Derrida dans mon existence

J'avais lu de lui un article, vers l'âge de 22 ans. Un livre à son sujet m'avait donné précédemment une vague idée de ce qu'il signifiait dans le paysage intellectuel de cette époque, mais de source primaire, je n'avais lu que cet article seulement.

Or ayant rencontré peu de temps après à l'université un jeune homme sympathique, alors que nous marchions vers notre première bière, il avait évoqué précisément cet article, au sujet duquel j'avais donc pu répondre aisément. Quelques mois plus tard, devenus amis, il m'avait confié que ce moment, où j'avais semblé tout connaître de Derrida, l'avait impressionné et décidé à cultiver mon amitié ; et j'avais honnêtement avoué mon coup de chance et mon ignorance, sans que notre amitié désormais établie n'en pâtisse.

Or ayant rencontré, un an plus tard, dans une autre université sur un autre continent, une jeune femme sympathique, alors qu'assis au soleil sur l'herbe du campus elle m'autorisait à lui faire la cour cinq minutes, elle avait évoqué précisément cet article, au sujet duquel j'avais donc pu répondre aisément. Quelques mois plus tard, devenus amants, elle m'avait confié que ce moment, où j'avais semblé tout connaître de Derrida, l'avait impressionnée et décidée à cultiver mon accointance ; et j'avais honnêtement avoué mon coup de chance et mon ignorance, sans que notre relation amoureuse désormais établie n'en pâtisse.

J'étais donc, depuis lors, très satisfait de Derrida, jamais lecture d'un philosophe n'ayant été pour moi aussi productive.